Un récent échange de mails avec un utilisateur méditerranéen a attiré mon attention sur un aspect particulier propre à la cartographie électronique : les limites d’agrandissement d’une carte. Les cartes vectorielles ENC (¹) sont classées en 6 catégories en fonction de leur échelle : des plus petites échelles inférieures à 1:1.500.000 pour les vues d’ensemble à la plus grande échelle 1:4.000 pour les plans de port et amarrages (²).
Dans la plupart des cas les cartes ENC S-57 (¹) officielles les plus détaillées sont à l’échelle 1:4000, soit 1 cm sur la carte (à l’écran) représentant 40 mètres géographiques. Avec une carte papier, la seule façon d’obtenir plus de détail est… d’utiliser une loupe, ce qui ne donne, comme on le sait bien, en aucun cas plus de précision. Mais il en va tout autrement pour les cartes électroniques.
Les cartes ENC S-57 conçues par des services hydrographiques mondiaux sont achetées sous licences par de nombreux organismes pour réaliser des cartes vectorielles privées (Private ENC (¹)) vendues principalement au secteur de la navigation de plaisance. Navionics, Garmin, C-Map et d’autres éditeurs (³) réalisent ainsi leurs propres cartes pour être utilisées avec leurs logiciels et les appareils de navigation qui les supportent. Et c’est là que ça se complique.
Mon interlocuteur m’a fait remarquer que la cartographie Navionics, utilisée dans iNavX, était limitée à l’échelle 1:4000, alors qu’un petit GPS cartographique de poche était parfaitement capable d’agrandir une carte bien plus que cela, offrant ainsi une plus grande précision pour l’accostage. En effet, certaines applications et certains appareils permettent ce qu’on appelle l’ « overscale » pour la cartographie vectorielle, c’est-à-dire une sur-échelle. Pour des cartes raster on emploirait le terme « overzoom », ou sur-agrandissement. C’est l’effet qu’on obtient avec un iPhone ou un iPad par un double-tap à trois doigts lorsqu’on a activé l’option zoom dans les réglages d’accessibilité.
Overscale
La carte Transas, ci-dessous dans iSailor, dont l’origine n’est pas précisée, permet un overscale important. On peut artificiellement grossir les objets jusqu’à une échelle de 1:380 soit 1 cm pour 3m80 !
Dans SEAiq avec cartographie CM93, on obtient un overscale pratiquement équivalent :
Avec BlueChart de Garmin, un overscale encore supérieur est autorisé :
Avec la cartographie C-Map dans Plan2Nav de Jeppesen, on n’agrandit l’échelle – que – à 1 cm pour 12m00, soit une échelle 1:1.200.
Il n’y a donc que Navionics qui interdit l’overscale, aussi bien dans iNavX que dans ses propres applications (Navionics Marine et Navionics Boating).
La précision en question
Dans un premier temps, ce qui rassure est que le calcul des distances reste correct, quel que soit le niveau de zoom. Les proportions sont conservées, mais seulement tant qu’on n’a pas atteint le niveau d’overscale maximum.

Les distances séparant des points identiques sont conservées globalement à différentes échelles d’overscale.
Les niveaux de zoom maximum provoquent une déformation de la représentation cartographique. Le môle supportant le phare dans notre exemple n’a plus la même forme suivant les cartes, et il est intéressant de constater que seule la carte Navionics représente la forme exacte de ce môle, confirmée par la photo satellite. Avec les autres éditeurs le dessin reste grossier et approximatif :
Par contre, si les distances mesurées et la réglette confirment bien une échelle au 1/4000ᵉ, on peut reprocher que l’étiquette bleue affiche une échelle erronée de 1:3K (1:3000).[*MAJ]
Quoiqu’il en soit, il faut être extrêmement prudent avec l’overscale. Quand la carte affiche le musoir d’un môle, comme ici, d’une largeur d’environ 6m00 en overscale maximum, il n’est pas du tout certain que cela soit juste. Accoster un tel quai sur la seule foi de cette lecture de carte me paraît bien imprudent. L’image donne une fausse impression d’un musoir parfaitement rectiligne et accore, alors que la réalité est tout autre. On serait tenté de passer à le raser lors d’une arrivée de nuit avec une mauvaise visibilité. La carte Navionics, au contraire sans overscale, oblige à s’en écarter prudemment dans le doute.
Il ne faut donc pas se laisser abuser par la fausse impression de précision que donne l’overscale, n’en déplaise à mon interlocuteur que je salue ici au passage et remercie de m’avoir inspiré ce billet. Une carte ne fournira jamais plus de détail que ses concepteurs n’ont fournis pour une échelle donnée. L’overscale n’est qu’une loupe grossissante offrant un confort de lecture pour les yeux fatigués, certes, mais rien de plus.
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[*MAJ du 15 mai 2014] La prochaine mise à jour de iNavX permettra une échelle de 1:2000 pour les cartes Navionics et « Tiled Charts ».
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(¹) Voir le Glossaire cartographique pour les définitions.
(²) Attention à la confusion : l’échelle 1/1.500.000ᵉ est plus petite que l’échelle 1/4.000ᵉ qui montre plus de détails. Plus l’échelle est grande et plus la zone géographique est réduite et détaillée.
(³) Voir l’article Les acteurs de la cartographie électronique.
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Article relatif :
Cartes électroniques, routage et rase-cailloux
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