Trois semaines et 600 milles de navigation entre le continent et les îles Baléares m’ont permis de tester en situation certaines des applications pour iPad dont nous disposons.
Attention : il n’est pas question de me livrer à un comparatif point par point entre les applications, mais plutôt de relever certains aspects essentiels de leur utilisation. D’autre part, les applications utilisées étaient à jour au début du mois de juillet. Les évolutions sont rapides, et des mises à jour ont pu intervenir en août ou début septembre dont je ne disposais pas. Enfin, l’application iNavX associée à la cartographie Navionics disponible depuis le serveur X-Traverse reste pour moi le « maître-étalon » des applications de navigation maritime. iNavX est à ce jour l’application la plus complète en terme de fonctionnalités, et la cartographie Navionics (depuis le serveur X-Traverse, je précise) la plus proche de la réalité géographique constatée par de nombreux utilisateurs.
Conceptions
Ce qui frappe le plus en alternant les applications sur un même parcours, c’est la différence parfois fondamentale de conception et d’ergonomie. Au minimum, les applications intègrent les trois fonctions indispensables : créer des waypoints, créer des routes de plusieurs waypoints, et enregistrer la trace à mesure de l’avancée du bateau. Elles le font toutes, plus ou moins facilement, certes, mais elles le font. Cependant, deux aspects me semblent fondamentaux à comparer : l’ergonomie, c’est-à-dire la facilité de mise en oeuvre associée au design, et la qualité de la cartographie proposée. on peut voir ci-dessous deux conceptions diamétralement opposées entre Navionics Marine HD et MaxSea TimeZero :
Dans les deux cas les informations de navigation fournies sont les même, un tiroir escamotable sur la gauche pour Navionics Marine HD, un ruban semi-transparent déroulant depuis le bas pour TimeZero. Cependant le premier est figé, le second est entièrement configurable. La création d’une route dans Navionics Marine est d’une simplicité extrême. Dans TimeZero un peu moins intuitive au début, mais une fois compris le principe, très simple à l’usage.
Informations nautiques
Normalement deux types d’informations doivent être fournis par les applications : les NavAids et les POIs. Si les NavAids sont généralement accessibles dans les applications cartographiques vectorielles (iNavX, iSailor, Navionics Marine, BlueChart, Plan2Nav) car extraites d’une base de donnée associée aux cartes marines, elles n’existent tout simplement pas avec les cartes raster, qui ne montrent que ce qui est imprimé sur la carte scannée. Pour les POIs, la palme revient à Navionics Marine HD et à Plan2Nav (Jeppesen/CMap) pour la richesse de leur base d’informations, dont les données prioritaires sont intégrées à la carte (comme le numéro de téléphone et le canal VHF des capitaineries, par exemple). iNavX, en revanche, ne propose qu’une liste limitée d’informations sans grand intérêt (¹). Dans les autres applications c’est le désert.
Utilisation courante
Le suivi de la navigation en cours de route permet d’apprécier l’ergonomie générale de l’application. Comme on l’a vu dans le premier paragraphe, les conceptions peuvent être radicalement différentes, et dans ce domaine seuls les goûts et les attentes de l’utilisateur feront la sélection. Si pour moi, et un grand nombre de navigateurs hauturiers, iNavX reste l’application de référence pour la richesse des fonctions intégrées, elle n’est de loin pas l’application la plus conviviale ni la mieux dessinée du marché. Elle est pourtant la seule à répondre aux exigences de la navigation au large : choix des cartographies, interaction avec d’autres applications (Weather4D Pro, XGate, AxcessPoint), connexion avec les instruments du bord, connexion téléphones satellites, affichage AIS, affichage météo GRIB. Cela prime pour moi sur certains points d’ergonomie, mais il n’en sera pas forcément de même pour de la navigation uniquement côtière qui ne requière pas forcément cette pléthore de fonctions.
Une grosse déception de découvrir que les iles Baléares ne comprennent pas les images satellites 3D dans TimeZero, alors que la même application TimeZero sur le PC du bord (Plus exactement un Mac Mini sous Windows !) présentait ces images. Cela enlève beaucoup de l’intérêt de la vue perspective en 3D, surtout pour les atterrissages.
Qualité cartographique
Dans ce chapitre, je vais certainement faire des mécontents, mais cela veut être utile. Habitués que nous sommes, nous autres français, à utiliser depuis des décennies une cartographie officielle d’une extrême qualité (SHOM), avec un système de mises à jour permanent, nous sommes en droit d’avoir des exigences pour la cartographie électronique. Il en va de la sécurité maritime. Et dans ce domaine il reste un sacré travail à accomplir de la part des éditeurs. Ils ont beau se dédouaner par des clauses visant à les soustraire de tout recours juridique, que chaque utilisateur doit accepter en ouvrant son application favorite, il n’en reste pas moins que ces « Aides à la navigation » sont devenues, pour de nombreux navigateurs, l’unique source d’information cartographique embarquée. C’est le cours inéluctable des choses. Il est donc inadmissible de voir des représentations cartographiques sans aucun détail (TimeZero/MapMedia3), des cartes obsolètes (Garmin/BlueChart (²), des balisages ou des ouvrages inexistants plusieurs années après leur construction, et ce chez la majorité des éditeurs.
Même chose dans l’exemple suivant, à l’arrivée à San Antonio, Ibiza. Seul Navionics représente un balisage réel à jour et les pontons existants du port de plaisance au nord. Les autres sont totalement approximatifs, c’est regrettable.
Il s’agit là des ports de plaisance fréquentés par des centaines de bateaux. Mais qu’en est-il des mouillages de rêve de la côte nord de Majorque ou de la côte sud de Minorque ? Je vous laisse juger :
Ci-dessous la Cala Coves. Inutile de chercher à y entrer sans visibilité ni sondeur avec TimeZero, la côte sud de Minorque ne présente aucun détail (je précise que j’ai téléchargé la totalité des cartes). Navionics dans iNavX (Edition juillet 2013) présente curieusement des fonds et des informations textuelles différents de Navionics Marine HD Europe (version 4.7). Encore une fois le balisage est le plus à jour avec iNavX/Navionics, conforme à celui rencontré.
En conclusion
Je reste donc assez dubitatif devant l’imprécision de certaines cartographies. Navionics et Plan2Nav (Jeppesen/CMap), leaders incontestés sur les lecteurs-traceurs depuis plus de deux décennies, sont les plus avancés dans ce domaine. Il est seulement dommage que Navionics ne fournisse pas, avec sa cartographie disponible sur le serveur X-Traverse, la même base de données d’informations que dans ses propres applications, puisque de toute manière il gagne sur les deux marchés. iSailor utilise la très jolie cartographie Transas, mais elle manque sérieusement de détails, et l’enchaînement des niveaux de zoom manque de continuité dans l’affichage des données. L’application ne permet pas d’effacer les secteurs des feux qui polluent l’affichage à certains niveaux de zoom, ou de régler l’affichage des marques.
La grosse déception vient de MaxSea TimeZero, plus exactement de la cartographie raster MapMedia. Tant que je me suis promené aux alentours de la Rade d’Hyères, aucun souci, tous les détails y sont. Mais dès qu’on s’éloigne vers le sud, même un grand port comme Barcelone présente des lacunes d’affichage (feux manquants dans l’exemple ci-dessous :
MaxSea a annoncé l’utilisation d’une cartographie vectorielle dans une prochaine version. C’est à espérer. J’ai déjà exprimé et je persiste à dire que la cartographie raster n’est plus adaptée aux appareils informatiques modernes tels que tablettes, smartphones et petits ordinateurs portables. Affichage mal commode, taille des fichiers trop élevée, pas de base de donnée, difficulté de mise à jour, etc.
J’ai volontairement écarté Imray car sa cartographie raster pour la Méditerranée est d’une effroyable pauvreté. On dispose uniquement de grandes routières et de quelques cartes de détail portuaire. Les recouvrements de carte sont laborieux, l’application très difficile à utiliser, l’ergonomie d’une rare pauvreté. Bref pour moi inutilisable.
Concernant Navionics, la régularité des mises à jour et la couverture mondiale en font l’éditeur de référence. Cependant, la nouvelle donne pour la mise à jour des applications Navionics Marine m’interroge. J’en reparlerai dans un prochain billet.
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(¹) Ce qui indique que la base de donnée de Navionics Marine HD est absente des cartes Navionics vendues par le canal de X-Traverse ! Pas cool…
(²) San Antonio, Ibiza, dernière correction 26 avril 2009.
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Articles connexes :
Les acteurs de la cartographie électronique
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Bonjour Francis, dommage pour le Grand Pavois et nous risquons de ne pas nous revoir avant mon prochain départ. Et du coup je suis venu jeter un coup d’œil sur ton article. En effet pour aller à Nouméa, j’ai un souci, je passe par Panama et le Pacifique. iNavX que je commence à bien connaître (plusieurs transats vers les Antilles, Panama, les Bahamas, Cuba ou plus au nord Annapolis, plusieurs transmed vers la Grèce et la Turquie, 4 transpac jusqu’à Tahiti) me donne plus que satisfaction. Je n’embarque plus d’ordinateur, j’ai choisi d’avoir 2 Ipad (en cas de panne) avec la « trilogie magique » iNavX, Weather4D PRO et Iridium AxcessPoint (quelques bugs dans cette dernière appli lors de ma dernière transat). Mais… Pour Nouméa, iNavX (tout comme MacENC) ne sait pas passer l’antémeridien. Du coup je me suis livré à un petit comparatif, qui pourrait peut être faire l’objet de l’un des tes prochains posts. En deux mots iSailor ne sait pas le faire, TimeZero oui, mais, sauf erreur, ne propose pas de cartographie du Pacifique. Encore raté pour moi. Je crois savoir qu’OpenCPL le fait, mais avant que je reparte avec un PC Portable… Autre petite indication : je me suis offert un transpondeur AIS XB8000 Vesper Marine. Je ne peux pas utiliser l’émetteur, n’étant pas une « station » avec son MMSI, mais j’espère bien utiliser le récepteur (je me suis fait un peu peur récemment en atterrissant au Cap St. Vincent), TimeZero ne sait pas afficher l’AIS, les deux autres si, testé sur INavX, avec une question : à l’arrêt je n’ai pas vu apparaître de champ CPA et TCPA. Enfin iNavX propose le choix entre ortho et loxodromie, ce n’est pas exprimé (sauf erreur de ma part) dans les deux autres applis, donc ortho ou loxo ? Je crois que je vais peut être m’offrir une cartographie pour iSailor, sans doute pas pour TZ (j’attendrai la version vectorielle et le Pacifique). Je t’enverrai un petit comparatif, mais une mise à jour de ces comparatifs risque de s’imposer non ? A moins que tu n’attendes la version Android, Olivier et Weather4D franchit le pas, c’est fait aussi je crois avec AxcessPoint alors à quand iNavX sous Android ? iNavX qui reste de très loin ce qui se fait de meilleur sous iPad. Amitiés
Christophe
Le passage de l’antémeridien est un vrai problème, et depuis que j’ai constaté que Navionics Marine Asia&Africa le faisait, je vais interroger iNavX et les autres.
Concernant l’AIS dans iNavX, les calculs CPA et TCPA ne se font pas quand le bateau est immobile (déplacement < 0,3 nds), et ne sont donc pas affichés dans les infos de la cible. Si tu es au mouillage et qu'une cible vient sur toi, pas de calcul. La prochaine version de iNavX aura une fonction d'alarme sur cible AIS réglable (dans les réglages des instruments).
Bravo pour cet article et comparatif. Je pensais aussi que le raster « type » SHOM était le meilleur pour naviguer , mais j’ai changé d’avis cet été en comparant avec les cartes vertorielles iSailor/Transas. Dans la zone Manche ouest et Anglo Normandes les infos sont très comparables aux cartes papier du Shom justement. avec la fluidité du vectoriel en plus et les infos sur les points d’intérêt et le balisage. Pour les Anglo normandes les cartes Transas utilisent des données de base fournies par UKHO le service hydrographique de Sa Majesté. Du sérieux donc. Pour les zones plus au sud je ne sais pas ?
Bonjour Francis, je navigue avec iNavX depuis toujours et ne veux surtout pas changer c’est génial.
Je fais beaucoup de côtier et je peux dire que rare sont les surprises.
Pour les détails côtier j’utilise parfois iPhiGénie avec l’option carte littorale et je peux dire que c’est vraiment top, sauf qu’il faut charger des tuiles avant la navigation sinon c’est long a charger.
Je te verrai au grand pavois pour te montrer sur iPhone et iPad.
Merci encore pour ton super travail,
Laurent Camus, La Rochelle
Bonjour francis
J’utilise iNavX sur iPad; j’ai téléchargé l’application TZ.(Bretagne)
Conclusions de notre expérience :
iNavX est bien plus complet que TZ en navigation, plus « marine » je dirais, mais j’avoue consulter TZ pour les cartes sur les zones de mouillage plus informatives sur la nature des fonds et plus « agréables » à lire.
L’ipad permet ce luxe à cout raisonnable
Merci pour cet article très pédagogique. Nous n’avons navigué en mer Egée qu’avec iNavX et Weather4D sans mauvaise surprise.
Cordialement.
J’utilise habituellement iNavX et Navionics Marine HD, ainsi que Weather4D Pro.
Le premier me parait plus agréable, plus facile pour gérer les routes, mais la traduction en espagnol le rend presque inutilisable, et changer la langue de l’iPad chaque fois devient pénible. C’est dommage, j’ai même suggéré au développeur d’éliminer la version espagnole et laisser seulement la version en français et/ou anglais.
J’ai déjà signalé à Maxsea sur des mapmedia2 une erreur de taille dans la baie nord de Stornway (Hébrides extérieures) ou le scan des cartes de l’Amirauté signalait un rocher dans l’échelle 1/100.000 en plein milieu de la baie, mais le même rocher était absent sur la carte au 1/20.000 ! Ce rocher était présent sur des CMap et sur Navionics. Les cartes avaient été mises à jour au début de l’été 2011. Quant on choisit cette baie pour mouiller, bonsoir les dégâts !
Conclusion, comme les professionnels, il faut deux systèmes de carto électronique à bord par sécurité.
Cordialement
Exactement comme pour la carte de Barcelone qui affiche les feux du port sur la carte à plus grande échelle, mais qui disparaissent de la carte de détail. Dangereux pour une entrée de nuit sans autre source d’information.
Finalement chaque carte à son domaine de prédilection …
– Si c’est pour la navigation hauturière, on choisira iNavX (pour dialoguer avec Weather 4D entre autres) ;
– Si c’est pour les informations POI, on choisira Navionics Marine HD ;
– Si c’est pour le détails des côtes et ports, on choisira … iNavX ?
… jusqu’à ce que des mises à jours et changements profonds arrivent dans chacun des logiciels.
J’ai juste ?
Je n’ai cependant pas très bien compris cette histoire de base absente si achat par X-Traverse. Quel est l’autre source d’achat (incluant la base de donnée) ? Quelle différence de tarifs ? Parce que si il suffit de payer un peu plus cher en passant par autre chose que X-Traverse pour avoir tout ce qu’il faut dans iNavX et en faisant l’économie de Navionics Marine HD , voilà peut-être une bonne solution …
(merci 🙂 )
Pour le choix, c’est effectivement à vous que revient la sélection des critères prioritaires.
Pour les POIs, ce sont des données stockées dans un fichier (une base de données) lié à l’application. Un tap sur un élément particulier (Port de plaisance, par exemplke) appelle par un système d’indexation les données relatives à cet élément. C’est le principe de la cartographie vectorielle qui permet d’associer des bases d’information aux cartes. Le fichier utilisé par Navionics Marine, donc inclus dans cette application, n’existe tout simplement pas dans les dossiers (Région) de cartes Navionics distribuées par le serveur X-Traverse. C’est un choix volontaire de la société Navionics.
Merci pour ces expériences vécues en mer, et pour ces commentaires sans complaisance.