La voix de la météo marine

La météo marine, ou plutôt je devrais écrire : La Météo Marine, avec majuscules, est aux marins modernes ce qu’étaient les dieux antiques à nos lointains ancêtres : une référence permanente à la conduite de notre vie.

Les Grandes Ondes

Il n’y a pas encore si longtemps, cette divinité s’adressait à nous, marins au commerce, pêcheurs ou plaisanciers, par une voix céleste portée par les ondes. Notre grande prêtresse, Marie-Pierre Planchon, nous informant deux fois par jour des destinées, heureuses ou épouvantables, que nous risquions de connaître en nous aventurant sur les flots. En ce temps-là la météo avait un nom et une voix, reconnaissable d’un seul coup d’oreille.

« La météo marine sur France Inter c’est un petit bulletin d’information écrit dans la langue énigmatique des marins, qui mine de rien, est entré dans l’imaginaire d’un grand nombre de personnes. Au point qu’un millier de lettres de regret et de poèmes à Marie-Pierre Planchon sont arrivés à la radio lors de sa quasi disparition en septembre 2008. Des parisiens blottis dans leur lit aux pêcheurs langoustiers d’Iroise et d’Yeu, nous vous proposons un voyage à travers des pensées qui se croisent, chaque soir, à l’écoute de la météo marine. »

Pour les nostalgiques, prenez donc plaisir à (ré)écouter cette émission, « Sur les Docks » de France Culture, sur le bulletin de météo marine de France Inter qui fut diffusée le Vendredi 29 Mai 2009 (*). Cela vous en dira long sur les regrets des auditeurs assidus quand les bulletins ont été réduits à une émission quotidienne sur grandes ondes par Radio France, à une heure indécise « un peu après 20h00 », sauf retransmission de match de football ou rallonge du journal !

Quand France-Inter annonçait la météo marine

A la même époque – et toujours aujourd’hui, du reste – l’hégémonie maritime britannique se caractérisait par quatre bulletins de météo marine cadencés avec une précision chronométrique à des horaires restés intangibles depuis des lustres (au moins 35 ans, à ma seule connaissance) sur BBC Radio 4. Pas facile à aborder, j’en conviens, mais avec quelques efforts et un bon lexique (voir le Cours des Glénans) on finissait par « prendre la BBC » comme les dictées de l’école primaire, avec beaucoup de fautes, mais le sens y était. Je ne résiste pas au plaisir de vous en rappeler un exemple, aujourd’hui quotidiennement disponible en Podcast sur le site internet de la BBC.

La météo marine britannique sur BBC Radio 4

Pour écouter ces bulletins météo, un simple récepteur radio « toutes ondes » équipé d’une antenne télescopique suffit. On capte jusqu’à une grande distance les Grandes Ondes, parfois plus de 200 milles. C’est une solution particulièrement économique.

La VHF

On rentre ici dans le Système Mondial de Détresse et de Sécurité en Mer. C’est du sérieux. Tout au long du littoral, les émetteurs VHF de l’administration des Affaires Maritimes (CROSS) apportent l’information météo pour la bande côtière jusqu’à 20 Milles Nautiques au large. Ici encore, une voix, avec une diction lente et précise, divulgue trois fois par jour un bulletin météo « côte » à des horaires d’une stricte orthodoxie, décalés d’émetteurs en émetteurs tout au long du littoral. Si la messe est à 7h03, ou 7h33, ou 19h03, ce n’est pas une minute de plus et encore moins une de moins : les trois premières minutes de l’heure ronde étant réservées à une période de silence afin d’écouter d’éventuels appels de détresse.

Il faut se doter d’un émetteur-récepteur VHF à bord, fixe ou portable, et d’une antenne de qualité adaptée. Plus l’antenne est haute, plus elle porte loin. C’est déjà plus onéreux, mais la VHF apporte bien d’autres services aux navigateurs.

La BLU – Ondes Courtes

Bien que n’entrant pas dans le SMDSM, qui a préféré le système NAVTEX pour les bulletins de la zone jusqu’à 300 milles au large, les CROSS continuent de diffuser, une à deux fois par jour suivant les régions, des bulletins météo pour le large par radio en Bande Latérale Unique. Et c’est tant mieux.

Il suffit d’un récepteur radio « toutes ondes » équipé d’un BFO (Oscillateur de Basses Fréquences) permettant de démoduler la BLU, appareil relativement bon marché. Par contre une bonne antenne de réception est pratiquement indispensable.

Le grand large – Ondes Courtes

Pour les navigateurs hauturiers qui traversent l’Atlantique dans les deux sens, Radio France International a diffusé une fois par jour, à 11h33 UTC, et ce pendant des années, un bulletin couvrant toutes les zones jusqu’aux Antilles, transportée sur plusieurs fréquences dépendant de la zone géographique de réception. La douce voix d’Arielle Cassim créait ensuite un lien chaleureux, avec sa chronique de la mer jusqu’à 12h00 UTC, qui vennait égayer les longues journées de traversées. Comme pour France Inter et la BBC, un simple récepteur « toutes ondes » et une bonne antenne suffisaient. (**)

Hélas, l’informatique embarquée vient inexorablement remplacer la radio. Les multiples moyens d’obtenir des fichiers météo GRIB, des cartes météo graphiques, des images satellites et même des bulletins textes, dominent sur les tables à cartes.

Malgré leurs indéniables qualités, ces informations électroniques manqueront toujours, pour moi, de cet indispensable plus qu’apporte la voix. Voix éthérée d’une opératrice radiophonique, voix grave et posée d’un speaker anglais, cette chaleur humaine qui nous accompagne dans les meilleurs ou les pires moments en mer, dans ces instants où l’on peut se sentir parfois bien seul sur l’océan.

Quoi que la technique nous apporte, et même si la navigation est pour certains un moyen de ne fréquenter que modérément nos semblables, ne perdons pas ces contacts humains portés par les ondes. Qui sait, risquerait-on à terme de sombrer dans cet isolement terrifiant décrit par Clifford D. Simak dans son roman de science-fiction Demain les chiens. Je vous en conseille la lecture.

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(*) Désormais disparu des archives de Radio France. (Mise à jour du 25 Mai 2010)
(**) RFI a annoncé la fin de la diffusion du bulletin marine le 31 décembre 2011. L’émission d’Arielle Cassim avait été arrêtée fin avril 2010, Arielle Cassim ayant quitté RFI et créé le site Seableue. (Mise à jour du 31 décembre 2011)
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Tous les horaires des bulletins météo sur le Guide marine de Météo France.
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