Cette période de fêtes, durant laquelle on se retourne volontiers pour quelques jours vers les traditions, m’inspire à repenser aux traditions d’une activité qui nous est chère : la navigation.
Pas celle de nos illustres prédécesseurs, marines royales, découvreurs de terres lointaines, corsaires, pirates ou honnêtes marchands, non. Je veux évoquer celle qui nous concerne depuis plus d’un demi-siècle : la navigation de plaisance. Particulièrement à l’attention de nos amis navigateurs qui sont nés dans les années 1970-80, qui ont découvert la navigation à partir des années 1990, période de l’apparition du GPS à bord de nos bateaux de plaisance.
Moi qui enrichit en permanence un site web et un blog sur les arcanes de l’informatique embarquée, de tous ces outils qui nous apportent notre position à quelques mètres, le temps qu’il fera dans huit jours, la hauteur d’eau sous la quille, l’heure à laquelle il faudra virer de bord pour profiter de la bascule de vent favorable, et combien d’autres informations disponibles en trois clics de souris ou trois taps sur une tablette, je n’oublie pas comment j’ai appris à naviguer.
Les fondamentaux de la navigation.
J’ai eu la chance de naître dans les années 50, et donc de découvrir la navigation de plaisance dans les années 70, avec une ficelle à la main (un fil à surlier) et une carte rigide sur les genoux. J’ai passé des semaines à apprendre à me situer sur la carte et dans le paysage en pratiquant ce fondamental de la navigation maritime : le pilotage par alignements.
Bon élève et particulièrement motivé, j’ai accédé à la croisière, franchi mes Cap-Horn de débutant, Passage de la Teignouse, Raz de Sein, Raz Blanchard, en pratiquant une navigation rustique mais efficace, cet autre fondamental qu’est la navigation à l’estime. Il est entendu que, vu le nombre d’heures passées à la table à carte, mieux valait ne pas avoir le mal de mer, ou prévoir un seau à poste à proximité !
Marin de plaisance plus averti, j’ai sillonné à la voile et sans moteur, sur toute sorte de bateaux nos belles côtes Atlantique, avec une sonde à main, un loch à poisson, et les bulletins météo de France Inter et de la BBC. Même dans les brumes épaisses de la Manche, je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais eu à demander l’aide de quiconque pour atterrir ou prendre un corps-mort. De toute manière, quand bien même j’aurais été équipé d’une VHF – quel luxe – je n’avais pas appris à m’en servir, vous voyez le niveau !
Devenu navigateur de plaisance professionnel, je n’ai pas eu d’autre choix, pour effectuer de grandes traversées, que d’apprendre à me servir d’un sextant. Ah, la navigation astronomique ! Cet ultime fondamental qu’on abordait religieusement, convaincus d’accéder à une élite, au cercle restreint des Moitessier, Tabarly, des « Damien »… Le seul outil permettant de parcourir 4000 milles nautiques et d’atterrir pile à l’endroit prévu, malgré de belles angoisses dans les heures précédentes, et un grand étonnement de découvrir l’endroit en question dans l’étrave, et pas un autre. C’était au temps où le point d’atterrissage ne s’appelait pas encore « waypoint ».
L’ère de l’électronique
J’ai fini par apprendre à me servir de tous les beaux jouets que je rencontrais au fil de mes navigations : GPS, RADAR, lecteurs-traceurs, BLU… Plus tard, devenu shipchandler, j’en ai vendu, j’en ai installé, j’ai formé des utilisateurs. Enfin plus récemment les ordinateurs sont montés à bord de nos bateaux : des portables, légers, peu onéreux d’occasion, avec des logiciels faits sur mesure pour faciliter notre vie de navigateur. La suite vous la connaissez…
Je crains fort qu’aujourd’hui de nombreux « jeunes » navigateurs ne puissent plus s’en passer. Les écoles de croisière traditionnelles, incontournables à mon époque, ne font plus guère recette, ou bien du charter déguisé en école de voile « Du Niveau Zéro à la Navigation Astro » en une semaine ! Qui serait encore capable de rentrer dans un port à la voile, en panne de moteur, sans appeler une remorque par VHF ? Qui saurait encore traverser la Manche à l’estime, batteries mortes, et rentrer dans Falmouth en passant du bon côté du Cap Lizard ?
Loin de moi l’envie de critiquer, de dénigrer, encore moins de sermonner. Je fais simplement le constat depuis plus de vingt ans que l’avènement de cet outillage électronique a incité de nombreux navigateurs apprentis à leur faire une confiance extrême, et à oublier les fondamentaux de la navigation que j’ai eu, pour ma part, la chance d’acquérir.
Le retour aux sources
Alors en cette période de fêtes ou une des traditions consiste à offrir des cadeaux, offrez-vous donc un ouvrage qui vous parle de ces fameux fondamentaux, comme par exemple : Le Cours des Glénans, ou encore Navigation en haute-mer, de feu Olivier Stern-Veyrin, épuisé mais qu’on trouve encore sur le net en cherchant bien. Visitez le site navastro.fr ou encore plongez-vous dans la « Formule fondamentale de la navigation astro » sur cette page de François Lonchamp. Et au printemps, essayez de faire vos premières navigations GPS et ordinateur éteints. Vous verrez, ce sera un retour aux sources salvateur, avant de rallumer votre iPad et d’ouvrir vos applications favorites.
Bonnes fêtes de fin d’année, et à l’année prochaine !
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A peu près le même parcours initiatique que le tien. Même reférences littéraires. J’ai toujours le OSV et le glénan dans une vieille caisse. Bleu, je crois, le glénan de 73 ou 74… J’ajouterai le sh1 bleu aussi et cartonné!
Je termine bientôt une longue carrière de météo de la Météorologie Nationale, puis MF (bientôt 40 ans de boîte), et j’enseigne le module météo des capitaines 200. Merci Francis pour toute la pédagogie de ton site. Ta vidéo m’a permis d’appréhender l’enseignement de Navimail par le bon bout.