Cette question me revient de temps à autres, et comme nul n’est censé ignorer la loi, je me sens dans l’obligation d’apporter ma contribution à l’édification des foules (de plaisanciers) en fournissant une réponse collective.
Sécurité des navires : le texte officiel
[MAJ Division 240 du 6 mai 2019]
Par arrêté du 6 mai 2019 remplaçant l’arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires (division 240 du règlement annexé), publié au Journal Officiel le 12 mai 2019 et applicable à dater du 1er juin 2019, la division D240 intitulée « Règles de sécurité applicables à la navigation de plaisance en mer sur des embarcations de longueur inférieure ou égale à 24 mètres », est remplacée (¹).
Concernant l’armement obligatoire des navires, et plus particulièrement les documents relatifs à la navigation, j’ai mis en rouge les textes spécifiques :
Article 240-2.03 Matériel d’armement et de sécurité basique (moins de 2 milles d’un abri)
[…]
7. Un moyen de connaître les heures et coefficients de marée du jour et de la zone considérés. Ce document n’est pas requis en Méditerranée.
Article 240-2.04 Matériel d’armement et de sécurité côtier (2-6 milles d’un abri)
1. Le matériel d’armement et de sécurité basique.
[…]
6. La ou les cartes marines, ou encore leurs extraits, officiels, élaborés à partir des informations d’un service hydrographique national. Elles couvrent les zones de navigation fréquentées, sont placées sur support papier, ou sur support électronique et son appareil de lecture, et sont tenues à jour.
7. Le règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM), ou un résumé textuel et graphique, éventuellement sous forme de plaquettes autocollantes, ou sur support électronique et son appareil de lecture.
8. Un document décrivant le système de balisage de la zone fréquentée, éventuellement sous forme de plaquettes autocollantes, ou sur support électronique et son appareil de lecture.
Article 240-2.05 Matériel d’armement et de sécurité semi-hauturier (6-60 milles d’un abri)
1. Le matériel d’armement et de sécurité côtier.
[…]
4. Le matériel permettant de faire le point, de tracer et de suivre une route.
5. Le livre des feux tenu à jour ou disponible sur support électronique et son appareil de lecture.
6. Un journal de bord contenant les éléments pertinents pour le suivi de la navigation et la sécurité du navire.
7. Un dispositif permettant de recevoir les prévisions météorologiques marines à bord.
Article 240-2.06 Matériel d’armement et de sécurité hauturier (+60 milles d’un abri)
1. Le matériel d’armement et de sécurité semi-hauturier prévu à l’article 240-2.05.
Analyse
La cartographie électronique est donc, depuis avril 2008, parfaitement admise, et le « matériel permettant de faire le point, de tracer et de suivre une route » n’est plus précisé. On peut donc tout aussi bien utiliser un compas à pointes sèches, une règle Cras et un compas de relèvement qu’un lecteur-traceur de cartes, un iPhone ou un iPad équipés des logiciels et cartographies appropriés.
Concernant les documents, certains articles appellent des remarques :
- Un moyen de connaître les heures et coefficients de marée : cet article a été remonté dans la section navigation à moins de 2MN d’un abri, sans précision sur le format de ce « moyen ».
- Un document décrivant le système de balisage de la zone fréquentée et Le règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM) : les documents du SHOM ne sont plus explicitement cités. Il s’agit en fait, respectivement, des ouvrages généraux n° 3 et n°2 du SHOM. Mais ils peuvent aussi bien être remplacés par tout autre ouvrage équivalent. Par contre l’ouvrage 1D n’est plus cité, pourtant indispensable à la lecture et la compréhension des cartes marines (²).
- Il est bien précisé que cartes et ouvrages peuvent être numériques, mais cela n’est pas précisé concernant le livre de bord. Peut-on en déduire que, dans le silence des textes, il peut aussi être numérique ? Je n’en suis pas si certain. N’oublions pas que le livre de bord est un document juridique, opposable aux tiers en cas de fortune de mer, exigé par les autorités (Affaires Maritimes), les services de secours, et… les assureurs !
La réglementation française s’est peu à peu alignée, depuis la parution de la Division D240 en mars 2008, sur la philosophie britannique consistant à imposer un matériel de navigation minimum, et à laisser au skipper la responsabilité d’embarquer le matériel de sécurité et de navigation correspondant à son programme. Cela a été une sacrée révolution (encore une !) après avoir subi, depuis pratiquement les débuts de la navigation de plaisance, une immense liste de matériels de sécurité obligatoires et onéreux, dont, pour une grande part, personne ne se servait, et qui faisaient les choux gras des shipchandlers français.
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(¹) Le texte complet au format PDF est disponible au téléchargement par ce lien.
(²) Pour ceux qui m’ont réclamé un lexique des sigles cartographiques présents sur les cartes Navionics, entre autres, je rappelle que ces symboles sont internationaux et que la lecture approfondie de l’ouvrage « 1D – Symboles, abréviations et termes utilisés sur les cartes marines », permet d’en prendre connaissance.
Bonjour Francis,
Cette réponse ne m’avait pas échappée…mais c’est celle de l’administration, pas du Législateur. Cette nuance prendra sûrement tout son sens le jour ou le sujet viendra en jugement.
Je pense que le texte doit être corrigé officiellement pour lever cette ambiguïté.
Bonne Année quand même.
AJS
Merci Francis pour ce commentaire didactique.
Je trouve toutefois que la modification de la première phrase de l’alinéa 5 de l’article 240-2.06, me parait mériter le commentaire suivant:
Nous sommes passé de la rédaction: « la ou les cartes marines, ou encore leurs extraits, officiels, ou élaborés à partir des informations d’un service hydrographique national » qui signifiait grammaticalement qu’étaient règlementaires : « la ou les cartes marines, ou encore leurs extraits, officiels, ou élaborés… » c’est à dire les cartes non officielles pour autant qu’elles étaient élaborées à partir des information officielles.
La suppression du « ou » est loin d’être neutre: elle entraine l’apposition de l’adjectif « élaborés » aux cartes marines et à leurs extraits, au même rang que « officiels ».
C’est soit une erreur de syntaxe, soit un rétropédalage considérable, en ce sens qu’il est possible d’y lire l’obligation de cartes officielles.
A suivre…
Alain, la réponse a été fournie par François Lonchamp dans un sujet traité sur le forum hisse et Oh :
Nouvelle Division 240 du 05/2015] – les cartes marines: SUITE 2: LA REPONSE
[Nouvelle Division 240 du 05/2015] : les cartes marines
On trouve sur le site du SHOM des documents PDF à télécharger gratuitement :
RIPAM 2A = édition 1991
RIPAM 2B = mars 1993
ouvrage 3C = Avril 87
ouvrage 1D = édition 2006
ouvrages 32 (signaux) = édition 1996
ainsi que le très intéressant document sur les imperfections et le bon usage des documents nautiques de 2004
Bien pratique dans un iPad, il me paraît prudent de conserver un exemplaire papier à bord car contrairement aux cartes il n’est nullement précisé le terme « électronique » dans les textes officiels concernant les documents.
C’est une excellente nouvelle, effectivement. A découvrir sur le site du SHOM, rubrique Ouvrages numériques. Le téléchargement est libre, mais attention, il faut faire un appui prolongé sur le lien « Ouvrages numériques », sélectionner « Ouvrir dans une nouvelle fenêtre » du menu contextuel, pour pouvoir lire dans iBooks.
Merci pour l’info.
Les ouvrages nautiques au format PDF, dont certains gratuits, et les cartes marines sont accessibles via diffusion.shom.fr
Vous me coupez la vague sous l’étrave : je prépare justement un billet (à venir rapidement) sur le sujet 😉