Un an après mon plaidoyer pour des données européennes libres (¹) Météo France propose enfin un accès libre à ses deux célèbres modèles de prévision ARPEGE et AROME. Une évolution bienvenue, amorcée en 2014 par le succès du projet MyOcean, intégré depuis lors à Mercator Ocean (²), mais un changement notoire d’attitude pour un établissement public auquel on a toujours demandé d’auto-financer une partie importante de son budget. Les prévisions de ces deux modèles sont mises à disposition sur le portail de Météo-France au format GRIB version 2 depuis le 21 juillet 2015.
Rappel du contexte Open Data
Dans un communiqué de presse daté 31 octobre 2012 et intitulé Opendata (³), le gouvernement avait confirmé la poursuite des démarches d’ouverture des données publiques. Ces démarches faisant suite à l’Agenda Digital (⁴) publié par la Commission Européenne, qui exprimait que « Open data renvoie à l’idée que certaines données devraient être librement disponibles pour l’utilisation et la réutilisation » et citant en exemple : « … information géographique, statistiques, données météorologiques, données de projets de recherche financés par l’État, et livres numérisés provenant de bibliothèques ».
Citée par le forum InfoClimat (⁵), la Direction de Météo-France :
« … a expliqué que l’ouverture (la mise à disposition libre et gratuite sur internet) de nos sorties de modèles constitue une opportunité pour défendre nos positions, et non pas une menace, même si à court terme, cela peut entraîner une petite baisse de recettes ».
Cette notion de « petite baisse de recettes », qui doit inquiéter les personnels de l’établissement public, demande une analyse. A y regarder de près, dans le programme 170 « Météorologie » du Sénat (⁶), l’analyse du budget de Météo-France fait ressortir une baisse globale des recettes commerciales :
« … les redevances collectées pour la fourniture de données publiques s’établissent à environ 2 millions d’euros par an, sachant que l’essentiel des données brutes produites par Météo-France doivent être mises à disposition gratuitement. »
Cependant il faut voir que ces recettes commerciales (35 M€ en 2014) représentent moins de 10% du budget annuel total de Météo-France (± 400 M€). La part des redevances collectées pour les données publiques s’avère minime (moins de 6% des recettes commerciales). La généralisation de cette gratuité ne pèsera donc pas lourd sur les comptes de l’établissement, même en période de maîtrise des dépenses imposée par une forte contrainte budgétaire. En contrepartie, Météo-France ne pourra qu’accroître sa notoriété en diffusant largement ses produits de qualité à une quantité d’acteurs touchant le grand public : sites web météorologiques, développeurs d’applications météo spécialisées, fournisseurs de services, etc., tout comme le NOAA depuis plus de 20 ans.
La diffusion des fichiers GRIB
Les fichiers GRIB sont mis à disposition sur deux pages des données publiques de Météo-France :
- Modèle ARPEGE : résolution de 0,5° (30MN) pour le monde, 0,1° (6 MN) pour l’Europe, échéance jusqu’à 96 h. Disponible toutes les 6 heures.
- Modèle AROME pour la France métropolitaine : résolution de 0,025° (1,5 MN), échéance jusqu’à 36 heures par pas de 1 heure. Disponible toutes les 3 heures.
Attention, ces fichiers sont au format GRIB V.2, un format qui n’est pas encore géré par beaucoup d’applications, même pas Navimail2 ! Les développeurs devront adapter rapidement leurs produits pour les rendre compatibles. Ils vont être aussi confrontés à un autre problème. La gratuité des fichiers s’entend pour un téléchargement manuel. Pour automatiser la procédure de téléchargement des données depuis les applications, il faut souscrire un service Premium :
Un service « Premium », soumis à tarification à l’année (15 K€), permet d’obtenir l’ensemble des données Arpege et Arome quotidiennement de manière automatique, avec des conditions de diffusion stabilisées (meilleure capacité en débit). Ce service peut également permettre de bénéficier d’une meilleure résolution pour les données issues du modèle Arome, mais au détriment du nombre de paramètres disponibles.
Autant dire que seules les « pointures » parmi les développeurs pourront s’offrir ce type de service, et devront immanquablement le refacturer aux utilisateurs sous forme d’abonnement, comme généralement les fichiers GRIB américains à haute résolution WRF. Avec un modeste abonnement de 15 €/an, par exemple, un développeur ne rentrera dans ses frais que si il sait pouvoir compter sur 1000 abonnés annuels. Que les meilleurs gagnent !
Les données Météo-France dans les applications
Olivier Bouyssou, développeur Toulousain de Weather4D que je ne présente plus, a retraité les fichier GRIB V.2 pour me permettre quelques exemples d’affichage.
On se rend compte ici de la finesse de la maille. Les régatiers vont pouvoir réaliser du routage pointu dans les parcours côtier, sachant qu’on peut combiner des prévisions de courants à la même résolution (MyOcean IBI 1/36° dans Weather4D).
La qualité des données
Le modèle ARPEGE pour le monde, malgré son échéance limitée à 4 jours, n’a rien à envier au modèle GFS de la NOAA à résolution équivalente. Sa déclinaison à résolution horizontale de 0,1° pour l’Europe est considérée comme meilleure que son concurrent WRF. Le modèle AROME est le plus fin disponible pour les côtes de France et pays limitrophes. Ce modèle sophistiqué peut intégrer les effets de reliefs et les effets de brises thermiques. Ces deux modèles sont constamment améliorés :
Dans un billet récent intitulé « Météo-France améliore ses systèmes de prévision numérique du temps », l’établissement annonce :
« Les modèles numériques AROME et ARPEGE, qui simulent l’évolution de l’atmosphère, ont également évolué. Leur résolution spatiale a été améliorée. Le modèle régional AROME […] a ainsi vu sa résolution horizontale passer de 2,5 km à 1,3 km. Le relief est désormais représenté de façon plus réaliste dans AROME.
La représentation des phénomènes physiques dans les modèles a également progressé. La nouvelle version d’ARPEGE, qui couvre l’ensemble du globe, bénéficie par exemple d’une meilleure modélisation des nuages de type cumulonimbus et des précipitations associées ».
Nous avons donc tout à gagner à utiliser ces modèles pour nos côtes, mais aussi pour les confronter aux modèles américains, et ainsi bénéficier enfin d’une alternative de grande qualité dans les décisions que nous auront à prendre en mer. Bravo à cette ouverture, et vivement que ces modèles soient opérationnels dans nos applications favorites.
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(¹) Plaidoyer pour des données européennes libres
(²) Après avoir coordonné avec succès les projets européens MyOcean depuis 2009, Mercator Océan a été officiellement nommé par la Commission européenne le 11 Novembre 2014 pour mettre en œuvre et exploiter le « Service Copernicus de Surveillance de l’environnement marin » dans le cadre du programme Européen d’observation de la Terre Copernicus.
(³) Communiqué du Premier ministre du 31 octobre 2012
(⁴) Digital Agenda for Europe
(⁵) http://forums.infoclimat.fr/topic/85261
(⁶) Projet de loi de finances pour 2015 – notes de présentation
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Bonjour
Comment fait-on à partir de l’appli pro pour visualiser les fichiers?
Merci encore pour votre travail…
Hubert Dereux
Bonjour
Je suis depuis quelques mois un utilisateur très satisfait de Weather4D PRO dont je me sers quotidiennement pendant mes vacances bretonnes. Je voudrais savoir s’il y a quelque chose de particulier à paramètrer ou une MAJ a faire pour intégrer dans Weather4D PRO ces fichiers GRIB de Météo-France aussi simplement que cela est possible avec les requêtes mail pour les fichiers Grib US ?
Il faudra attendre une mise à jour de l’application. Interrogez le développeur.