Etat de la mer : interpréter les modèles de vagues

Dans Weather4D, comme généralement dans d’autres applications, les prévisions de l’état de la mer sont décrites par des modèles océaniques. Le plus utilisé est le modèle WW3 (Wave Watch III), publié par le FNMOC (Fleet Numerical Meteorology and Oceanography Center) de l’US Navy, avec un modèle Mondial à échéance de 7 jours et résolution 1° (60MN), et un modèle Europe à 3 jours et résolution 0,2° (12MN). Météo-France publie les modèles MFWAM (Wave Assimilated Model) couplés avec les modèles météo ARPEGE et AROME avec trois résolutions : Mondial à 0,5° (30MN), Europe à 0,1° (6MN), France à 0,025° (1,5MN) avec des échéances variables (¹).

Chacun de ces modèles fournit trois données essentielles pour la navigation (parmi plusieurs dizaines d’autres données océanographiques) : la hauteur, la direction et la période des vagues. Il s’agit de la « mer du vent » issue des modèles météo associés.

Cependant, ces trois données soulèvent quelques questions : quel rapport entre la hauteur et la période, peut-on prévoir si les vagues déferlent, quelle fiabilité à l’approche des côtes ? Essayons d’y répondre (²) …

Les données affichées dans Weather4D sur le météogramme et par champs de couleurs (isoplages par pas de 0,50m).

Les données affichées dans Weather4D sur le météogramme et par champs de couleurs (isoplages par pas de 0,50m).

Milieu de propagation des vagues

Il faut tout d’abord distinguer deux milieux de propagation des vagues : en eau profonde (milieu dispersif) et peu profonde (milieu non dispersif). On abordera ici uniquement le milieu du large en eau profonde, loin des côtes et de la remontée des fonds marins.

On détermine la notion de milieu dispersif par un rapport entre la longueur d’onde des vagues (L) et la profondeur de la mer (P). Sans entrer dans les détails mathématiques, on considère pour simplifier la propagation en eau profonde, c’est-à-dire où les vagues ne sont pas affectées par le fond, quand P > L/2 ou bien L<2P, ce qui revient au même. Par exemple, avec une longueur d’onde de 150m, la profondeur devra être supérieure à 75m. Avec une sonde à 60m, la longueur d’onde ne devra pas dépasser 120m.

Caractéristiques des vagues

La Période (T) est l’intervalle de temps séparant deux crêtes, ou deux creux, exprimée en secondes. En eau profonde, la Longueur d’onde (L) exprimée en mètres est égale à 1,5T². Exemple : des vagues de 8 secondes de période auront une longueur d’onde de 1,5×8² = 96m (≅ 100m). La Célérité, ou vitesse de propagation, est égale à 1,5T exprimée en mètres par seconde. Dans l’exemple, 1,5×8 = 12 m/s (23 nds). La Hauteur est la distance verticale séparant le creux de la crête, exprimée en mètres.

Les valeurs de ces données sont étroitement liées à la force du vent, à l’étendue sur laquelle souffle le vent, appelée aire génératrice, et à la distance sur laquelle le vent s’exerce sans rencontrer d’obstacle, appelée le fetch.

La distance sans obstacle sur laquelle s'exerce le vent

La distance sans obstacle sur laquelle s’exerce le vent

Trains de vagues

L’état de la mer est souvent constitué par la superposition de plusieurs systèmes de vagues. Les groupes se forment par la combinaison de trains de vagues de même hauteur et direction, mais ayant des périodes légèrement différentes. Les vagues vont ainsi se déplacer par groupes dont la célérité en eau profonde sera environ la moitié de la vitesse de chaque vague isolée. La célérité du groupe se calcule donc V = C/2, soit V = 1,5T/2 = 0,75T. Exemple : la vitesse d’un groupe de vagues dont la période est de 8 secondes sera de 1,5×8/2 = 6m/s (12 nds). On observe donc de façon cyclique des groupes de vagues plus abruptes, les hauteurs s’ajoutant, et des intervalles de vagues nettement moins hautes.

Les groupes de vagues se forment par le décalage des périodes qui crée des juxtapositions cycliques

Les groupes de vagues se forment par le décalage des périodes qui crée des juxtapositions cycliques (²)

Le déferlement

Le déferlement d’une vague est déterminé par la notion de Cambrure (γ). Cette donnée est définie par la formule γ=H/L, soit le rapport de la hauteur des vagues sur la longueur d’onde. On démontre par le calcul que la vague déferle, en eau profonde, quand la cambrure γ>0,14. Cette valeur limite peut être atteinte, soit par la force du vent seule, soit par le vent contre un courant fort (en Manche, par exemple, quand la marée renverse contre le vent), par le croisement de trains de vagues de directions différentes, ou encore par une remontée des fonds marins (dans ce dernier cas on entre en milieu non dispersif).

Exemple avec des vagues de H=5m et T=6s, risque de déferlement limité :

      • L = 1,5T² = 1,5×6² = 54m
      • γ = H/L = 5/54 = 0,09

On peut facilement calculer, pour chaque hauteur de vague, la période limite donnant une cambrure γ>0,14. Voici quelques exemples :

Hauteur Période calculée Période arrondie
5m 4,88s. 5s.
6m 5,35s. 5,5s.
8m 6,2s. 6,5s.
10m 6,9s. 7s.

Mais attention, il ne faut pas confondre « vague déferlante » et « crête déferlante » qui survient bien plus tôt, à partir de 30-35 nœuds de vent, quand les rafales balayent le sommet des vagues comme dans l’illustration ci-dessous. D’autre part, dans les groupes de vagues évoqués précédemment, à période identique les groupes de vagues plus abruptes peuvent atteindre des hauteurs provoquant une cambrure limite.

Crêtes déferlantes sous une Tramontane à 40 nds établis, à l'approche du Cap Sicié.

Crêtes déferlantes sous une Tramontane à 40 nds établis, à l’approche du Cap Sicié.

A l’approche des côtes les choses se compliquent. Les calculs des vagues en milieu non dispersif, donc par faible profondeur, se complexifient et font l’objet d’une nombreuse littérature de spécialistes, auxquels je n’appartiens pas. Chacun d’entre-nous sait parfaitement que la remontée du plateau continental provoque une aggravation sensible de l’état de la mer par forts vents d’ouest, encore plus sur la Manche quand la marée est contraire, et que la Tramontane peut former une houle déferlante sur les côtes nord des Iles Baléares, comme dans l’illustration suivante.

La mer de L=100m va lever sur la ligne de sonde 50m au nord de Minorque et déferler à la côte.

La mer de L=100m va lever sur la ligne de sonde 50m au nord de Minorque et déferler à la côte.

Ce type de situation fait le bonheur des surfeurs !

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(¹) Voir, pour plus de détails, les Manuels utilisateurs de Weather4D à télécharger gratuitement.
(²) Sources : Météorologie Générale et Maritime, Météo-France – 2001
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