L’U.S. Navy de retour au sextant

A l’heure de l’IA, des GNSS double-bandes et des centrales inertielles, l’U.S. Navy revient aux bons vieux fondamentaux en incitant ses marins à pratiquer la navigation astronomique. Afin de prévenir le jamming, le spoofing, voire un hypothétique black-out électronique total, les commandants et navigateurs de la marine américaine se doivent de maîtriser l’estime et le maniement du sextant. Extrait d’un article du U.S. Naval Institute librement traduit et adapté (¹).

En février 2022, l’USS Essex a navigué d’Hawaï à la Californie en utilisant uniquement des méthodes de navigation astronomique. C’est ce que l’équipage de navigation a appris et pourquoi tous les navires devraient faire des navigations similaires. À quelques kilomètres au large des côtes d’Oahu, à Hawaï, tous les systèmes de navigation électronique sur le pont de l’USS Essex sont devenus noirs. L’équipage du pont a été obligé de se mettre à naviguer par des droites de hauteur tracées sur des cartes papier. Cinq jours et plus de 1.800 milles nautiques plus tard, l’Essex est arrivé au large des côtes de San Diego, en Californie, à l’heure et sur la bonne route.

Il ne s’agissait pas d’une panne. Avec l’approbation du commandant de l’Essex, la capitaine Kelly Fletcher, sa navigatrice la commandante Stanton, et l’instructeur de navigation principal, l’Essex a testé sa propre capacité à naviguer avec une perte totale d’équipement de navigation électronique. Tout équipement de navigation qui utilisait de l’électricité était interdit, y compris toutes les sources GPS, le système électronique de gestion de route (VMS) de l’Essex et le logiciel de navigation astro STELLA.

La coauteure, à droite, et l'un de ses quartiers-maîtres à bord de l'USS Essex (LHD-2) tracent une route dans la timonerie du navire. Afin de s'assurer que les officiers de quart sur le pont puissent maintenir un tracé précis et continu sur papier, la capitaine de corvette Stanton a exigé des exercices de traçage pendant les deux traversées transocéaniques (de San Diego à Guam, puis du Japon à Oahu). Photo Marine américaine (Walter O'Donnell)

La coauteure, à droite, et l’un de ses quartiers-maîtres à bord de l’USS Essex tracent une route dans la timonerie du navire. Afin de s’assurer que les officiers de quart sur le pont puissent maintenir un tracé précis et continu sur papier, la capitaine de corvette Stanton a exigé des exercices de traçage pendant les deux traversées transocéaniques (de San Diego à Guam, puis du Japon à Oahu). Photo Marine américaine (Walter O’Donnell)

La compétence en navigation astronomique était encore nécessaire il y a à peine une génération. La pratique a diminué avec l’avènement de solutions de navigation électronique plus sophistiquées et précises. Pourtant, à mesure que les capacités de guerre cybernétique et électronique des adversaires de l’Amérique ont progressé, les techniques de navigation analogique sont redevenues pertinentes. Cependant, il est encore rare qu’un navire de guerre de la marine fonctionne intentionnellement sans sa suite de navigation électronique. Comme l’indique l’American Practical Navigator :

« Aucun navigateur ne devrait jamais devenir complètement dépendant des méthodes électroniques. Le navigateur qui navigue régulièrement en appuyant aveuglément sur les boutons et en lisant les coordonnées des « boîtes noires » ne sera pas prêt à utiliser les principes de base pour improviser des solutions en cas d’urgence. »

Des leçons à en tirer

Les auteures de l’article développent de façon détaillée les contraintes et les difficultés rencontrées dans cet exercice au long cours.

« La navigation astronomique avancée et calculée à la main est un emploi à temps plein. Il nous fallait toutes les deux être sur (ou près) du pont pendant environ 18 heures par jour, en particulier pendant les visées d’étoiles du matin et du soir. La détermination du point à la main a nécessité environ trois à quatre heures par jour. Les navigateurs qui aspirent à effectuer un voyage similaire peuvent utiliser STELLA pour éviter les calculs manuels encombrants. »

Pour ma part, je m’étais déjà exprimé sur le sujet dans ce blog il y a plus de quinze ans concernant les plaisanciers que nous sommes (²). Et même si cela ne m’a pas souvent servi, je me suis efforcé de maintenir à l’occasion la pratique de la navigation astro utilisée dans le passé, mon sextant reste toujours à bord.

Et les auteures de conclure :

« Dans la mesure du possible, les navigateurs et les quartiers-maîtres doivent mettre en pratique en mer les compétences de navigation astronomique acquises en classe et montrer l’exemple. Utilisez le sextant au moins une fois par jour. Maîtrisez d’abord les droites de soleil, puis des planètes, des étoiles et enfin de la lune. Gagnez la confiance du commandant et du second avant de leur demander de se lancer dans un trajet de navigation astronomique. »

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(¹) Ships Must Practice Celestial Navigation (Cité par Geogarage Blog.)
(²) Des alignements et du sextant
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One Reply to “L’U.S. Navy de retour au sextant”

  1. La Marine nationale a fait des déclarations similaires dès 2023 il me semble – notamment dans le cadre d’exercices de black-out sur le CDG. Une commande d’une quinzaine de sextant à Patrick Lhoro à même suivi en 2024, pour équiper tous ses bâtiments majeurs!

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